Par A.P.
Depuis que nous sommes tombés en amour pour ce petit terrain à Chaville, coincé entre deux propriétés, dans cette rue de maisons de meulière, avec leurs toits compliqués, leurs céramiques bleu céruléen, portant parfois des médaillons en façade pour lesquels on est en droit de se demander si on a là un portrait de la maîtresse de maison, depuis que nous sommes tombés en amour pour ce ridicule petit terrain, noyé de ronces, biscornu et tout en pente, comme abandonné car trop petit, trop compliqué, vilain petit canard, dernier de la portée, depuis ce dimanche de mai où le hasard d’une promenade aux premiers beaux jours nous a conduit ici, nous avons compris que c’était là, que nous avions trouvé ce que nous avions fini par cesser de chercher depuis bien longtemps. C’en était fini de la maison idéale sur le terrain idéal, la bonne superficie, la bonne exposition, la proximité de ceci, le juste éloignement de cela. Finis les critères que l’on peut aligner, ajouter, multiplier.
A Venise, nous avons apprécié les maisons étroites et les palais, la lumière poudrée. En Auvergne, nous avons photographié les toits de lauzes et les murs en pierre sèche. A New York, nous avons aimé le vertige, les lumières trop fortes, le vacarme incessant, les musées. Nous avons contemplé le ciel infini du désert, couru sur les plages de Normandie un jour de pluie, marché sur un glacier. Les couleurs de Prague, les fleurs de Madère, les rues de Modiano, les eaux turquoise du lac Louise, les toiles de Mondrian, les fontaines de l’Alhambra, la garrigue de Pagnol, les odeurs des souks peuplent nos rêves.
Ce petit bout de terrain contient tout, des iris des bordures de voies ferrées de mon enfance, au calme paisible de la rue où habitait ta grand-mère.
Depuis que nous sommes tombés en amour pour ce petit terrain, nous nous sommes posé mille questions. Longue bande s’évasant en son milieu et finissant en pointe, quelle drôle de forme il a, ce terrain ! De quels partages compliqués est-il le fruit ? Quel notaire a imaginé ce découpage, pour garantir l’égalité des parts ? Personne jusqu’à aujourd’hui n’a osé y imaginé sa maison, serions-nous fous ?
Depuis que nous sommes tombés en amour pour ce terrain et que nous travaillons à ce projet avec Jacques-Emile, nous savons que nous avons là le lieu qui accueillera notre maison. Elle sera faite de nos voyages et de nos désirs, elle sera petite et ouverte sur le monde, elle aura la lumière comme alliée et nous y serons bien. Nous lui avons donné un nom : Toutèla.
A.P.
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