Voici les 3 mots de novembre 2017 : SYNCOPÉ – FLEUR – MILLEPATTE
Voici les textes que nous avons reçus :
Pas de danse (Corinne Parchantour)
Tout affolé, tout afféré
Le petit mille-pattes tripote ses pattes
Il en a tant qu’il faut du temps
Pour les chausser sans se tromper.
Il se fait beau pour son aimée
Sa petite fleur couleur d’été.
C’est au concert qu’ils doivent aller
Ils aiment tant ça se déhancher
Sur les chants syncopés
De l’alouette au matin dans le pré.
Mais il faut prendre garde à ses pieds
Quand un mille-pattes si bien chaussé
Se met à danser sur des rythmes chaloupés.
Le mille-pattes (Lyse M.)
Avant de quitter l’école, pour les congés de printemps, l’institutrice de Jean avait fait un petit exposé sur la biodiversité. Puis elle avait proposé aux élèves d’observer la nature et de prendre quelques notes pendant cette période.
Au deuxième jour de ses vacances, Jean était allongé dans l’herbe haute au fond du potager de Maurice. Maurice, c’est son grand-père, avec qui il partage une belle complicité, et si quelqu’un connaît bien la nature, c’est lui : jardinier depuis cinquante ans !
Du petit Jean, on ne voit que le sommet de sa casquette rouge. Immobile et silencieux, équipé d’une loupe super grossissante, comme il dit, il scrute fasciné, le microcosme qui s’étale sous son nez. Sur un petit carnet, il transcrit consciencieusement ses observations :
Jeudi 10 avril ,11 heures 30 :
Parmi tous les insectes, seul le mille-pattes escalade la tige d’une fleur de pissenlit. Tous les autres filent sans y prêter attention. L’ascension est difficile. La tige est longue et un peu molle. Elle oscille lentement.
Il se déplace lentement, la démarche syncopée, s’arrêtant à chaque instant. Il a sans doute peur de tomber, même avec toutes les pattes qu’il a pour se cramponner.
Un peu perplexe, Jean se redresse et continue d’écrire :
-Que va-t-il faire la haut ?
-Est-ce pour se réchauffer, attirés par le jaune lumineux de la fleur ?
-Est-ce pour respirer l’air frais ?
-Est-ce pour trouver sa nourriture ?
-Est-ce pour se protéger ?
C’est la voix puissante de Maurice qui le fait sortir de ses réflexions :
« Jean, tu rentres maintenant, c’est l’heure de déjeuner ! »
Tout sourire, Jean se précipite la maison, certain que son grand-père élucidera ce mystère en répondant à toutes ses questions.
Au parfum (Gg)
Chaque nuit, dans l’immensité étoilée de la brousse africaine, un millepatte égaré tourne, tourne jusqu’au prochain matin. La journée, il vaque à ses mille occupations, non pas l’une après l’autre, mais toutes à la fois, ne consacrant pas plus d’une patte à chacune d’entre elles. C’est ainsi que pour se laver les dents il utilise la deux cent soixante septième (patte bien entendu) tandis que pour remplir sa déclaration d’impôts il ne fait confiance qu’à la quarante-troisième. Et ainsi de suite, mais il serait fastidieux de faire la liste de tout ce qu’il est capable de mener à bien. A noter que cette capacité remarquable d’ubiquité maximum, sans faire de lui l’égal d’un Dieu, lui donne toutefois un avantage considérable sur notre pauvre humanité, surtout dans sa moitié mâle, la partie femelle montrant des dispositions naturelles nettement plus avancées dans ce domaine. Mais revenons à notre millepatte et interrogeons-nous sur l’égarement nocturne de notre myriapode. L’absence, ou plutôt la dispersion de la lumière en une infinité de points pourrait être une piste, mais des expériences récentes, menées par des chercheurs émérites a montré, sans aucune ambiguïté, que le millepatte ne possède que deux sens, l’odorat et le toucher. Alors, il faut se rendre à l’évidence. La chute énorme, durant la nuit, de la température dans les régions tropicales du continent africain provoque un effet paralysant sur l’exhalation des parfums floraux, remplissant notre millepatte de trouble au point, et c’est là un élément déterminant de notre démonstration, de lui faire adopter, à la tombée de la nuit, un rythme syncopé en se mettant à marcher l’amble. Imaginez un peu, cinq cent pattes à droite qui se lèvent en même temps suivies de cinq cent à gauche, il faut vraiment se tortiller pour réaliser cet exploit. Mais me direz-vous, pourquoi ne reste-telle pas tranquille à se reposer la nuit, cette créature extraordinaire. La réponse est à la fois attendrissante et banale. L’Amour. Oui l’Amour avec un A triple majuscule, l’Amour mille fois. Jadis, durant une fin de journée automnale, en revenant du supermarché des millepatte, il a croisé un miracle de mille parfums divins. Cela a éveillé en lui un sentiment magique au point que, sans relâche, il recherche la créature qui lui en est à l’origine. Une fleur à n’en pas douter, mais une fleur sublime qui possède au moins autant de charmes olfactifs que lui a de pattes.
L’étrange animal (Martine)
Le printemps s’éveille après un long sommeil. Un millepatte surgit d’une fleur flamboyante.
Encore syncopé par son hivernation, il s’étire lentement, se frotte les yeux mais est brutalement désorienté devant le nombre important de ses membres inférieurs.
– Que m’arrive-t-il ? Pourquoi toutes ces pattes ?
Intrigué par son anatomie, il n’a pas entendu une pie moqueuse voltiger au-dessus de lui. Soudain, la diablesse l’interpelle :
– Que tu es bizarre avec toutes tes pattes ! Dans quel ordre marches-tu lorsque tu te déplaces.
Froissé, le millepatte ignore la moqueuse et s’enroule au fond de sa corolle. Il replie ses nombreuses pattes, les unes après les autres, sous son frêle corps. Fatiguée d’attendre une réponse ne venant pas, la jacasseuse s’envole à tire d’aile pour trouver une nouvelle cible sur laquelle jeter son fiel.
De nouveau seul, le millepatte ose déplier ses pattes. Les rayons du soleil câlinent sa peau. Une douce torpeur l’envahit. Il se laisse aller à la sérénité du moment présent, bien installé dans le giron de son amie la rose. Qu’importe le nombre de ses pattes !
J’ai un caillou dans mon soulier… (Colette)
Ce matin monsieur Millepatte a du mal à se réveiller. Ses yeux ne sont pas en face des trous , ses antennes entremêlées et surtout un mal de tête épouvantable. Maintenant il se souvient :
– Oh ! La, la, quelle soirée ! Mais où ai-je bien pu mettre cette chaussure ?
– Vous cherchez quelque chose ?
Lui demande monsieur Escargot qui passait près de chez lui.
– Oui ! Je ne retrouve pas une de mes chaussure !
– En rentrant hier soir vous les aviez toutes ?
– Et bien, ma foi, je n’en sais trop rien ? Ce dont je me souviens, c’est que j’ai dîner sous le mûrier et pour revenir chez moi j’ai pris le « sentier des limaces ». Et, là, une rose m’a invité à venir passer la soirée avec elle. Je me suis enivre de son parfum au point d’en être un peu pompette. C’est en partant que je me suis rendu compte que j’avais un caillou dans un de mes soulier. Lequel ? Difficile à dire ! Alors je les ai tous retiré pour les secouer et c’est sûrement là que j’ai dû en dû en oublier un.
– Vous vous rappelez sous quel rosier ?
– Pas vraiment, mais je reconnaîtrais son parfum entre mille !
– Alors qu’attendez-vous pour y retourner ?
D’un pas syncopé, monsieur Millepatte part à la recherche de sa chaussure. Au bout du chemin, il est stoppé par une nuée d’abeilles et de papillons. Il s’informe de la situation.
– Regardez le jardin du presbytère dans quel état il se trouve, plus une fleur, plus une rose ! Nous allons tous mourir de faim !
– Pourtant, mademoiselle Gertrude, la bonne du curé prend bien soin de ses massifs fleuris. Qui a bien pu faire un tel vandalisme ?
C’est alors qu’un gros bourdon poilu arrive à tire-d’aile et leur donne quelques explications :
– Aujourd’hui, au village, c’est la fête des fleurs et un corso va défiler dans les rues. C’est pour décorer le char de la reine que mademoiselle Gertrude a coupé toutes les roses. Il va falloir attendre bien longtemps avant que d’autres n’écloses. Nous devons envisager d’aller dans les champs voisins butiner
Et d’un commun envol, tous s’éparpillent joyeusement.
– Alors ! Et moi, comment je fais pour retrouver ma chaussure ?
Vérification (Caroline)
Aaaahhr… je baille… je baille… et je m’ennuie…
Le menton appuyé sur mes bras repliés , posés sur la planche de mon petit bureau d’écoliere je machouille la queue d’une fleur innocente et … je m’ennuie…
Il fait lourd et chaud…
Le temps s’écoule lentement…..longues minutes rythmées par le battement syncope du balancier de la vieille pendule , qui n’en peut plus de ses vieux rouages grippés … usés .
L’après-midi s’allonge … rien ne se passe … même ma fleur n’a plus de goût !
Soudain passe devant mes yeux éteints un millepatte ! Sorti de nulle part !
Alors toi ‘ mon gaillard ‘ tu vas me tirer de cet ennui léthargique dans lequel je m’enlise !
Emprisonné sous un verre à large bord , te voilà coincé !
Je vais enfin savoir si tu n’es qu’un ventard prétentieux ou si tu as réellement mille pattes !
Ne bouges pas , je compte !
Une patte …deux pattes ….trois pattes ……..quinze pattes …..trente huit pattes …….cent vingt-sept pattes …….deux ..cent quarananante ………..rr …..rr …..rr………….
Seul (Elisa M. Poggio)
Personne ne l’a surpris avant la tombée de la nuit. Seul il danse, sur un rythme syncopé. La piste de danse est la limite de son univers le temps d’une salsa. Rien ne le perturbe, ni vent, ni pluie, ni même les étoiles, à la lumière d’un autre temps. Au sommet de sa feuille, froissant la fleur du fracas de ses pas, le mille-patte tourbillonne. Il chasse la poussière. Il danse seul. »
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Le thé dansant (Susan)
Le thé dansant est l’événement du mois pour Odile et Raymonde, deux copines de longue date qui vivent dans le village d’Aulan depuis toujours. Elles étaient ensemble à la maternelle. Elles étaient ensemble au bord de la route nationale quand les soldats américains sont passés. Elles ont échangé leurs secrets, assisté à leurs mariages respectifs et aux naissances de leurs enfants : huit en tout, si l’on compte le fils d’Odile mort à la naissance. Leurs maris sont décédés à quelques années d’intervalle; celui de Raymonde dans un accident de tracteur, tué sur le coup. Celui d’Odile d’un cancer des poumons qui a duré longtemps. Les deux copines se sont toujours épaulées, et maintenant, à l’âge de 86 ans, elles se fréquentent toujours, parfois pour prendre le thé chez l’une ou chez l’autre, ou pour faire une petite balade autour du village, même si la démarche d’Odile est un peu branlante et les ralentit beaucoup. Raymonde a un beau jardin, entretenu par son fils. Elle adore les fleurs, surtout les roses, et en offre toujours des bouquets somptueux à Odile à la belle saison. Tout le petit habitat d’Odile s’embaume d’un parfum capiteux et sensuel qui remplace ponctuellement l’odeur habituelle de soupe au chou et de gâteau. C’est une belle amitié, et les deux copines sont conscientes du fait que leur vieillesse est paisible et sereine, entourée d’amis et de famille. Une fois par mois, le dimanche après midi, elles se rendent au centre culturel du village pour participer au thé dansant, afin de profiter de l’animation et retrouver d’autres « anciens ». Bien sûr l’ambiance y est parfois un peu bruyante mais en général la musique est douce et calme, sans les désagréables « boums, boums » et rythmes syncopés qu’affectionne la jeunesse. Raymonde s’offre parfois une petite tour de piste avec Germain pendant Odile rigole doucement dans son coin et lui fait des clins d’œil lorsque le couple passe près d’elle. Germain est un vieux de la vielle, bien plus âgé que les deux copines. Mais il est en pleine forme et toujours très séducteur. Dans sa jeunesse on l’avait surnommé «monsieur millepattes », ou « la pieuvre » à cause de son inclination à d’importuner les filles avec ses mains baladeuses. Actuellement il est plutôt inoffensif, et ses fameuses « pattes »sont percluses de rhumatismes. Vers 17 h les festivités se terminent et les deux copines rentrent chez elles, épuisées mais certaines de pouvoir nourrir le mois à venir de commérages et de rigolades.
Troutrou : voyage à Moscou (Eleni)
Ce matin-là, comme à son habitude Sprinter le millepatte est juché sur son poste d’observation : une énorme fleur de tournesol. Il aime à cancaner. Et de là-haut il guette tout ce qui se passe alentour, pour être informé le premier. Survient Troutrou, son amie la mite.
– Eh ! Voici notre amie Troutrou de retour. Alors, ce voyage en Russie ?
– Oh, figures-toi, j’ai voyagé en première classe, dans le pull cachemire de madame Bourdaloux !
– Ah bon ? Madame Bourdaloux la boulangère ?
– Comment, mais tu n’es pas au courant ? Moi et mes consœurs avons entièrement infesté leur stock de farine au fournil.
– En effet cela aura échappé à mes oreilles pourtant le plus souvent si vigilantes.
– Rends-toi compte, ils ont dû fermer boutique ! Vacances forcées, pour cause de désinsectisation totale. Un vrai carnage pour nous. Je dois être l’une des rares rescapées …
– Tu as perdu de la famille ?
– Oui, une cousine, enfin une lointaine cousine, mais tout de même !
– Toutes mes condoléances ma chère Troutrou. J’ai maintenant moins le cœur à t’interviewer sur ce voyage.
– Aller si, cela me changera les idées.
– Comment c’était alors ?
– Très froid et neigeux. En plus j’avais oublié mes moufles et mon écharpe alors je suis restée le plus possible au chaud, dans le pull cachemire de la boulangère. Mais j’ai pratiqué une petite ouverture dans les mailles, ce qui m’a permis de tout de même voir du pays.
– Tu étais à la ville ou à la campagne ?
– La campagne ? Penses-tu ! J’étais à Moscou, oui monsieur, Moscou, la capitale ! Avec son magnifique palais du Kremlin, ses églises aux bulbes dorés et les gens bien emmitouflés dans leur chapka en fourrure, marchant d’un bon pas pour braver le froid.
– Tu t’es fait des connaissances ?
– Tu ne crois pas si bien dire ! Madame Bourdaloux et son boulanger de mari se sont un soir rendus dans une taverne pour y voir un spectacle de danses typiques du pays. L’ambiance surchauffée du lieu lui a bien vite fait enlever le pull cachemire qui m’abritait.
– Viens-en aux faits, je ne comprends rien.
– J’y arrive. J’ai tout d’abord paniqué, comme tu peux t’en douter. Au cas où elle oubliait de récupérer son vêtement avant de partir, je me voyais déjà condamnée à finir mes jours en Russie. D’un autre côté, le stock moyen de vêtement en laine par habitant aurait pour moi écarté tout risque de mise au chômage. Bref, quelle n’a pas été ma surprise, de m’entendre interpellée dans un français assez approximatif, par une belle voix masculine venant de ma droite.
– C’était qui ? Cesse de me faire lanterner !
– Un superbe mâle mite.
– Tu es sérieuse ?
– Oui, comme je te le dis ! Mon pull cachemire s’était trouvé déposé près d’un col en zibeline d’où a surgi ce beau charmeur.
– Il a l’air de t’avoir tapé dans l’œil dis-donc.
– Tu penses : il portait des bottes en cuir noire, un pantalon bouffant resserré à la taille par une large ceinture brodée et un gilet en vison.
– Et qu’est-ce qu’il a bien pu te dire dans son français approximatif ?
– Il m’a dit : « Je connais pas vous mais une danse ? »
– Et tu as accepté ?
– On a qu’une vie, alors oui, j’ai accepté. Et maintenant, je sais danser le casatchok.
– Tu ne m’apprendrais pas Troutrou ?
Et ni une ni deux, voici Sprinter notre millepatte qui descend de sa fleur de tournesol pour entamer au bras de son amie Troutrou la mite, une danse pour le moins syncopée. Car si celle-ci a, en pays soviétique, acquis la pratique, lui est au contraire grand débutant et toujours à contre-temps. Tous deux ne pouvant s’accorder, partent d’un grand fou-rire qui achève de dissocier les mille membres du pauvre Sprinter.
Un chaos syncopé (Patrice)
Dans un chaos syncopé
Elixir de malaise et chahuté
Je vois des remontrances que tu me fais
Finir en deuil, son sens et par une fée.
Je mendie les apôtres
Et que m’apportent les autres :
Fins gourmets de sentences buccales
Ils sont les rois dans leurs coquilles nuptiales,
Ils font et défont les âmes
Qui se livrent au prieuré du salut
Alors que des milliers de blâmes
A envier les livres non lus
Ont été froissés, sous le son des fleurs.
Une fleur qui par mittence sonne le glas,
De tous les repas auxquels on assistera
Pour faire une moitié de charme improvisé
Sous le soleil épanouit mais mordoré.
Peut-être ces temps-ci se sont aseptisés
Au fin fond d’une ambiance aqua fraîche
Nous pourrions nous démenés comme des flèches
Assis mais non pas colonisés,
Et c’est bien ma chance
Car j’ai du mal à m’imaginer en millepatte
Frôlant les murs de la désertification
Comme les gens font pour la décalcification
Et qui trouvent que les choses les épatent
Loin bien loin de toutes remontrances.
Car j’ai acquis la certitude
Que le long de toutes servitudes
Ne sert que les lointains problèmes
Qui font que nos joues sont blêmes.
Et puis la force de cette expertise
Qui vient du fond de la chance syncopée
En milliers de fractures qui se sont coupées
Au contact de cette furie qu’on attise,
Sonne le trauma d’orgueil
Qu’une fleur voudra éclaircir
Au milieu de briques de deuil
Et d’un millepatte couvert de cire.
Si j’enchante le foin
Et que viennent les paysans des confins
Il me faudra leur dire que la guerre
Est la plus proche à venir que naguère,
Et bien loin des fils d’Ariane
Qui viendront repeuplés les monts de l’ennui
Ouvertes et sans cesse diaphanes
Seront les hommes désunis.
Nous remercions les auteurs et rappelons que les textes leur appartiennent. Toute reproduction est interdite.