Les mots proposés pour notre jeu de mars 2017: NEIGE – AMER – GRAIN DE SABLE
Voici les textes que nous avons reçus (visiblement, les auteurs étaient d’humeur à penser aux vacances !)
Comme d’habitude (Catherine)
Tu as parlé de ce voyage en premier, et j’ai convenu que c’était une excellente idée. Il fallait juste te détacher pour quelques jours de ton fichu boulot qui bouffait ta vie, et la mienne par la même occasion.
Comme d’habitude, tu as balayé tout cela d’un revers de main. Un peu de soleil et de détente seraient les bienvenus, m’as-tu dit.
Comme d’habitude, tu m’as laissé m’occuper de la destination, des réservations, de trouver quelqu’un pour garder le chat, de faire les valises, de réserver le taxi ….
Comme d’habitude, une réunion impossible à décaler ou à annuler a joué les grains de sable.
Comme d’habitude, tes bonnes résolutions ont fondu comme neige au soleil.
Alors, cette fois, j’ai décidé de ne pas être amère, que l’occasion était trop belle, je suis partie toute seule.
Pas sûre de revenir…..
Escapade biologique (Aline VEYLIS)
Ouf !!!! Maintenant que le dessert est commandé je vais bientôt pouvoir m’échapper de ce piège.
J’espère beaucoup des œufs à la neige maison , c’est un dessert à la fois simple et délicat.
Mais pourquoi Mathilde m’a-t-elle conseillé cet endroit ? C’est à croire qu’elle était en charmante compagnie et que tout le reste lui a échappé !!!
Pour ma part, mon invité s’étant décommandé à la dernière minute , j’ai dû faire face seule à la déception de mes papilles. Certes, un effort notable est réalisé pour la présentation des plats : une assiette ponctuée d’arabesques de sauces aux saveurs et coloris variés, ou encore une dentelle arachnéenne posée en équilibre. Tout ceci n’est pourtant pas suffisant pour faire oublier le goût amer des endives qui entrait dans la composition de l’entrée et encore moins les grains de sable cachés parmi les céréales qui constituaient un des éléments clé de la farandole de légumes bio.
Décidément, cette première expérience de restaurant végétarien ne me laissera pas un souvenir impérissable, même si le dessert qui arrive sous mes yeux à l’instant semble digne de toutes les attentions.
Neige au printemps (GG)
Neige brossait ses cheveux d’or sous le grand chêne du parc Faulkner. Elle souriait à la brise légère en laissant s’envoler, parfois, dans un grand rire de cristal, quelques coquines pépites blondes. Inutile de préciser qu’à la ronde, les Chevaliers au Bois Dormant entrechoquaient leurs armures pour profiter de l’aubaine. Ce n’est pas tous les jours, il est vrai, que l’on peut récolter ne serait-ce qu’un seul grain de sable, mordoré de surcroît, né de la chevelure de Neige.
Ce miracle, s’il en est, annonçait le premier matin du Printemps, et ce, de toute éternité, du moins celle des Hommes de l’ancien temps. Basile était un de ceux-là. Il était même un des tout premiers à poursuivre la chimère. C’était un voyageur de l’extrême. Nul recoin de ce Monde, pourtant enchevêtré, ne lui était étranger. Il connaissait tout, depuis les steppes de l’Orient parcourues en tous sens par d’intrépides cavalières jusqu’aux abysses des mers du Sud et leurs sirènes mensongères. En passant par les sommets maléfiques, peuplées de créatures bibliques. Partout, il avait triomphé, portant très haut la bannière de celui qui ne se résigne jamais. Et pourtant… dix-sept fois déjà qu’il fait chou blanc le premier matin du printemps. Impossible de s’approcher de cette Neige à la folle toison. Dès qu’il approchait elle fondait le laissant, fort amer, contempler quelques lueurs indécises disparaître au premier soleil.
Alors cette année il a pris sa décision. La prochaine fois, il se mettra en embuscade et dès la plus petite lueur là-bas au bout de l’allée des Ormes, il se jettera sur celle qu’il désire depuis si longtemps.
Pauvre Basile, il lui faudra attendre encore quelque temps, car depuis des années maintenant, Neige ne vient plus au printemps.
L’Auberge blanche (Olivier DELAGE)
Nous avions prévu de rentrer le soir même, après ces retrouvailles, ce diner impromptu, organisé au pied levé, dans une auberge, pour célébrer le court passage d’un vieil ami expatrié. Nous avions festoyés comme il se doit, sans excès toutefois, car nous devions reprendre la route qui nous ramènerait de nuit, au village où nous vivions alors. Les conversations s’étaient déployées autour de cette longue tablée qui enfin nous réunissait, après tant d’années sans se voir.
Nombre des sujets qui nous tenaient à cœur avaient été abordés, les souvenir les plus doux, les moments fous vécus naguère, sans omettre ceux plus amers que la disparition d’un ami cher avaient forcément suscités. Et nous étions très heureux de cette harmonie retrouvée, cette incroyable complicité que nous avions maintes fois constatée. Pas de propos blessants ni de mots déplacés, tous ces petits grains de sable qui parfois suffisent à gâcher ces moments privilégiés.
Mais nous n’avions pas prévu que la neige se mettrait à tomber, recouvrant la campagne d’un épais manteau, et les routes alentours d’une couche épaisse.
Tard dans la nuit, nous avions alors réalisé que nous étions bien coincés, dans cette auberge au milieu de nulle part, naufragés d’un instant, suspendus dans le temps. Et nous nous sommes surpris à accueillir cet imprévu d’un enthousiasme inattendu. Nous partagerions les quelques chambres que les plus prévoyants d’entre nous avaient réservés dans l’auberge, y établirions un campement improvisé, animés d’une joie toute juvénile.
Entre île déserte et radeau de la méduse, les caprices de la météo nous avaient imposé une partition que nous ne pensions plus savoir jouer, et qui nous tiendrait éveillés, jusqu’ au petit matin.
Pourquoi t’es vieux ? (Alain)
« Tombe la neige, tu ne viendras pas ce soir… ». Sans raison, je me mets à fredonner cette vieille chanson d’Adamo, un joli slow bien utile pour draguer les filles pas faciles. C’était il y a cinquante ans, un demi-siècle, effrayant rien que d’y penser. Hier, mon petit-fils de quatre ans m’a demandé « grand-père, pourquoi t’es vieux ? ». J’aurais dû lui répondre « Et toi, pourquoi t’es jeune ? » Ben non, j’ai cherché une explication rationnelle, je lui ai dit que j’étais né bien avant lui, que moi aussi j’avais eu quatre ans, que les années avaient passé et que j’avais vieilli. J’ai bien vu à sa tête qu’il ne me croyait pas vraiment. Pour lui j’étais grand-père et j’avais dû toujours être vieux.
Ou alors, il s’est dit que quand j’étais jeune, c’était au temps des dinosaures. Il a dû m’imaginer vêtu de peaux de bêtes chassant le Tyrannosaurus Rex ou le mammouth. « Mammouth écrase les prix », encore un truc qui surgit sans prévenir du passé, du temps, pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, où Mammouth était une enseigne de supermarchés. A l’époque, il circulait une blague bien lourde et très machiste, du genre : « La vache, elle va au taureau, ma femme elle va au mammouth ! » Vous avez le droit de détester mais aussi de sourire et même rire. Mais, s’il vous plaît, pas un rire amer, pas un de ces rires qui mettent de l’acidité dans la nostalgie.
Le temps passe, c’est comme ça, le sablier se vide lentement dans le murmure des grains de sable qui s’écoulent.
Vacances amères (Susan)
Ce n’est vraiment pas grande chose, un grain de sable. Lisa était couchée sur le ventre à même le sable chaud. Sa serviette de plage était abandonnée en boule à quelques mètres de là…pas de temps pour les formalités, même si le sable collant et humide grattait désagréablement sa peau comme le pull qu’avait tricoté sa grand’mère. C’était cette même grand-mère qui lui disait toujours « Arrête de vouloir tant de choses. Tu n’es pas aussi importante que tu l’imagines. Tu n’es qu’un petit grain de sable ». Lisa essayait d’attraper un grain pour l’examiner de près. Pas facile; les grains s’agglutinaient entre eux. Pas possible d’en dégager un seul pour un examen en profondeur. « On n’est pas seul au monde » disait toujours sa grand-mère. « Il faut être solidaire ».
Décidément, pensait Lisa, les vacances cette année ont un goût amer. La famille est bien à Arcachon comme d’habitude. Il y a des barbecues que papi fait avec les saucisses cramées à l’extérieur mais crues à l’intérieur et que tout le monde mange en s’extasiant pour ne pas le vexer. Il y a les éternels jeux de boules ou des tournois de volley qui terminent dans des disputes entre cousins…les plus petits souvent en larmes à cause de quelque gestes malencontreux de ces grands ados qui semblent ne pas réaliser que leurs corps ont grandi en taille et en force et que leurs longs bras maigrelets se déplacent avec autant de grâce que des ailes d’albatros. Le soir les parents s’assoient toujours sur la véranda avec l’apéro à la main et quelques biscuits ou cacahuètes dans des petits bols bleus que grand-mère aimait spécialement et qu’il ne fallait pas toucher avec nos mains d’enfants maladroits. Nous avions toujours des verres en plastique et des bols de chips…pas de serviettes, juste de vulgaires feuilles de Sopalin. J’avais rouspété l’année dernière, en disant que j’étais grande, et qu’une fille de dix ans pouvait faire attention, qu’il ne fallait pas me confondre avec les brutes qui prétendaient être mes frères mais que je soupçonnais d’être descendants des Wisigoths dont j’avais vu l’image dans le manuel d’histoire. Grand-mère m’avait dit de prendre patience, qu’on grandissait toujours trop vite et que les bols bleus seraient toujours là plus tard. Tout est pareil cet année, sauf que c’est grand-mère n’est plus là. On dit qu’elle est morte mais je ne crois pas que ce soit vraiment vrai car les morts ne peuvent pas parler, et elle, ses paroles résonnent dans ma tête tous les jours. Pour la voir, ce n’est pas aussi facile, mais je garde sa photo dans ma housse de téléphone. C’est une photo prise cet hiver dans les Alpes. Il y avait beaucoup de neige et grand-mère s’était emmitouflée comme un Inuit. Tout le monde avait ri et grand-mère avait simplement dit « le ridicule ne tue pas ». Mais elle est quand même morte et elle me manque.
Vacances (Caroline)
Quel goût amer ont ces vacances à la neige !
Moi qui rêvais de plage au soleil et de cocotiers …
Un grain de sable a dû se glisser dans mes projets !
Vive les vacances (Colette KIRK)
Une semaine avant les vacances d’hiver, papa nous a annoncé à maman, mes quatre frères et ma petite sœur Manou que l’on allait avoir une surprise. Et quelle surprise !
– Cette année, nous n’irons pas comme d’habitude en Bretagne chez les grands-parents , mais à la montagne faire du ski et plus précisément aux Karrelis en Savoie !
– Mais Pierre as-tu réfléchi que les enfants et moi ne sommes pas équipés pour ce sport que d’ailleurs nous n’avons jamais fait ?
– Et ! Bien il vaut mieux tard que jamais pour s’y mettre . Pour l’équipement on trouvera tout sur place, inutile de paniquer.
Personnellement la neige, ça ne m’enchante pas, c’est froid, c’est mouillé, ça glisse…Maman et mes frères sont de mon avis, sauf Manou qui exulte.
Papa, lui, a tout prévu :
– C’est une station de ski pour débutants, le prix des hôtels est raisonnable. Pour l’itinéraire on ne peut pas se tromper, c’est tout droit… En partant très tôt samedi matin on fera rapidement les 600 km et on arrivera vers midi.
Dès l’aube toute la famille est debout. Pour ne pas perdre de temps on prendra le petit déjeuner rapidement en cours de route. Les bagages ont été chargés la veille au soir et toute la smala prend place dans vieille « Caroline » (Ford Tourneo VP).Moi, je suis triste et amer de ne pas pouvoir comme à chaque vacances retrouver Maryvonne à Perros Guirec. Sur l’autoroute, papa prudent n’appuie pas trop sur l’accélérateur, du coup toutes les autres voitures nous doublent. Enfin une station service où l’on peut acheter le petit déjeuner pendant que papa fait le plein qu’il avait oublié avant de partir. Au fur et à mesure que nous progressons le temps change et la neige commence sérieusement à tomber et a envahir le pare-prise. Papa à beau mettre les essuie-glaces, mais ces derniers usés ne balayent pas grand chose.
– As-tu remarqué Pierre qu’il y a de la fumée qui sort du capot ?
– C’est normal ! Entre la chaleur du moteur et le froid ça fait condensation.
– Tu devrais quand même aller voir s’il n’y a pas un problème ?
Papa se gare, ouvre la capot… effectivement ça fume.
– Ne vous inquiétez pas, on va laisser refroidir un peu.
Mais pour repartir « Caroline » refuse de démarrer. Que faire ? Papa n’y connaît rien en mécanique.Un routier sympa nous voyant dans l’embarras, nous promet de nous faire envoyer un dépanneur dès la prochaine station service. Deux heures plus tard, nous sommes dans un garage. Pour ce qui est de la réparation il faut attendre lundi, aucun mécano est à l’atelier. En attendant lundi nous prenons pensions dans une petite auberge proche. Enfin lundi après-midi nous pouvons repartir avec des pneus neige ! Ça aussi papa ne l’avait pas prévu. En arrivant aux Karrelis avec deux jours de retard, l’hôtel n’ayant pas été prévenu, a considéré qu’il y avait défection et nos chambres ont été données à d’autres vacanciers. Papa ayant oublié sa sacoche dans la voiture laissée ouverte quelqu’un l’a dérobé. Résultat : plus de papiers, d’argent, de carte bleue, de chéquier…
Il y a toujours dans la vie, le petit grain de sable qui change ainsi tous vos projets !
Le pouvoir qui détraque (Lingwinnie)
8h30, au café de la rue Ståhlberg, un jeune démocrate vêtue d’un costume et de souliers noirs, arborant un chapeau melon et une fine moustache à la française, feignait d’être Charlie Chaplin. Cet aristocrate démocratique qui nous venait de Hollande voyageait à travers le monde pour déguster les cafés les plus raffinés. Son préféré était celui qu’il avait goûté au Nicaragua. Il en avait gardé une petite goutte, bien rangée dans sa moustache. Cela lui aromatisait le visage juste assez pour que sa fine truffe puisse renifler les parfums fruités de son café préféré. Cela l’embarquait dans un souvenir réconfortant. Il revoyait la famille chaleureuse qui lui avait fait découvrir leur procédé de récolte de café. Cette réminiscence tranchait nettement avec les impressions que lui faisait le café qu’on servait dans la rue Ståhlberg. « C’est juste un pauvre goût amer » se disait-il. De toute les façons, ce n’était pas du tout pour ça qu’il s’était rendu en Finlande. S’il était là, c’était pour se retrouver en présence d’un célèbre inventeur. Car notre amateur de déguisement parcourait aussi, le monde en vue de promouvoir la recherche scientifique. Il présentait ses inventions aux concepteurs (rares) qui pourraient comprendre l’enjeu que représentent de telles recherches. Après avoir réussi des prouesses dans le monde animalier comme faire apprendre à un chien à devenir une aide pour la manœuvre d’un créneau. Ou dans le domaine de la mode, en permettant à quiconque en saisirait l’opportunité, de colorer légèrement sa langue, en vue de lui donner une belle teinte rose. (Chose très appréciée chez les femmes de goût, selon notre expert en imitation.) C’est aujourd’hui dans le domaine de la science de la nature qu’il compte faire ses preuves. Il est prêt à mettre au grand jour sa dernière invention. Un petit grain de sable qui se démultiplie et fait fondre toute la neige devant lui. Très utile, pour « désenneiger » les lieux obstrués par l’épais coton blanc et assurer sa devanture de porte. Il avait donc pour cela l’intention de retrouver le célèbre ingénieur Sigurd Savonius. Lui aussi célèbre pour avoir joué avec les éléments naturels. Chaplin deuxième du nom le connaissait pour avoir inventé les pales d’un rotor faisant fonctionner les éoliennes. « Il est certainement assez perspicace pour reconnaître l’importance de ma découverte. » C’est lors d’un voyage au Brésil, que l’amoureux du carnaval rencontra des chamanes toltèques. Ils étaient tous tant fascinés par ses inventions, qu’en guise de cadeau, ils lui offrirent le soleil, enfermé dans un grain de sable. Lorsque Savonius arriva, notre sosie s’empressa de lui montrer les puissants effets de son grain de sable. Il avait déneigé presque tout le trottoir. Savonius, tout aussi empressé, le convia chez lui sans détour. « Je vous prie de bien vouloir vous rendre chez moi. J’ai quelque chose de considérable à vous montrer. » Arrivé dans l’appartement de Savonius, une machine était posée sur le bureau. On aurait dit une grosse lampe sans ampoule avec des réservoirs d’eau sur les côtés. Avec cet engin, Savonius avait fait fondre une petite boule de neige. C’était tout de même bien encombrant comparé au grain de sable. Savonius compris rapidement que son hôte avait un bien plus extraordinaire trésor dans sa poche. Il le pria de bien pouvoir l’observer. Au fur et à mesure qu’il approchait son œil borgne, près de la pépite, la lumière augmentait. Elle s’élevait jusqu’à donner à Savonius, une vision immaculée de blanc. Il était tombé à la renverse et était étendu comme pétrifié. Frappé par la lumière d’une étoile. « Ni la mort ni le Soleil ne peuvent se regarder fixement » le voyageur s’en souvenait maintenant. C’est une sentence qu’on lui avait déclamé, en lui remettant le grain de lumière. Le meurtrier fit une tentative désespérée. Il recouvra Savonius de neige, en pensant qu’il retrouverait la vie. Mais cela n’eu aucun effet. Après l’enquête de Police, le costumé fut placé dans un asile après avoir avoué qu’il avait tué son compère en lui montrant le soleil qu’il avait dans la main. Il se lamentait et hurlait à tout le monde: mais regardez! Je peux faire fondre la neige. Le réalisme du corps médical le poussa à abandonner ses démonstrations de dissolution neigeuse. L’abattement lui fit oublier pour le restant de ses jours, le pouvoir qu’on lui avait transmis.
Un petit grain (Pierre)
Ce jour là, il avait neigé
Ce jour là, il avait pleuré
Ce jour là, elle avait parlé
d’un tout petit grain croqué
poivré mais pas de café
Ce jour là, leur monde a manqué de basculer
leur légèreté s’était toute évaporée, diluée.
Ne demeurait plus que l’idée émaciée, lacérée
de ses mains égarées qui s’étaient trompées
de grain de peau, de sable, de sel, de beauté
Mais tu le sais, tu le sais trop, je t’aime assez
pour tous nos demains et me tiens sans apprêt
Alors viens goûter le fiel tempétueux et amer
que ta trahison a engendré mais reste fière
car tu ne feras pas de moi un pauvre erre
je continuerai à respirer ton air, ma très chair
même s’il y a dans mes yeux déchirés des éclairs
Viens ma toute douce, laisse ma peine fondre
comme neige, je ne veux plus te confondre
ni perdre même un instant à me morfondre
hurlons fort nos délices, je veux en répondre
Je te donne, mon amie,
un philtre, un tamis
ne bois donc pas la lie
viens vite ici, vis et ris ;
toi, ma reine et harpie
voulons là sans répit
dévorer à l’envi
notre grain de folie
JOUR D’ENNUI (Hélène L.)
Grand mauvais temps aujourd’hui et Sidonie tourne en rond, comme un lion en cage. Évidemment, il faut que ça tombe pendant le weekend. Quoi faire ? La tentation est grande de se plonger dans un bon bouquin au coin du feu de bois. Mais est-ce bien raisonnable ? Il y a tant à faire dans la maison qu’elle renonce bien vite à l’idée.
« Alors, par quoi commencer ? Le haut des placards de cuisine ? Pas le courage ! Pourtant il y en aurait bien besoin … Le repassage qui s’accumule ? Je pourrais le faire en musique, pas mal ça. Oh et puis non, je sais : je vais m’attaquer au placard de la cave , il y a un moment que j’y songe. »
La voilà rendue au sous-sol, munie d’un chiffon à poussière et de l’aspirateur. Elle ouvre les portes coulissantes et découvre l’ampleur de la tâche.
« Incroyable le nombre de vieilles paires de chaussures qu’on a pu accumuler, juste au cas où ça pourrait servir ! Celles-ci ? Bonnes pour la poubelle, la semelle est toute percée. On avait dû les garder pour le jardinage. Celle-là, même topo, la semelle est décollée. »
Elle s’active, passe un coup d’aspirateur sous le portant à chaussures et satisfaite, s’exclame :
« Voilà, déjà un bon lot de cochonneries d’évacuées ! A présent … les valises. »
Elle se saisit d’un modèle à coque rigide bleue et y passe le chiffon à poussière.
« Oh ! On fait des modèles bien plus légers maintenant, il serait temps d’investir. »
Les grosses fermetures métalliques cèdent sous ses doigts. Elle passe sa main dans le fond …
« Des grains de sable noirs ! Je me souviens ! C’était au cours de l’été 2014. On avait confié les enfants à ma belle-mère pour aller à Santorin se faire une petite semaine en amoureux. Ce sable était tellement chaud qu’on était obligé de courir vite vers le bord de l’eau si on voulait éviter de trop se brûler les pieds. Et le village, les maisons toutes blanches à flanc de montagne. Les petites tavernes à la fraîche le soir, qui vous servaient la salade grecque avec des petites olives et de la feta. Ah, et puis leur agneau à la broche, un véritable délice aussi … Qu’est-ce qu’on en avait bien profité ! »
Encore sur son petit nuage avec cette bouffée de souvenirs ensoleillés, elle délaisse la valise et entreprend le tri de vieux vêtements. Elle se sent d’autant plus amère que c’est le creux de l’hiver.
« Oh, il y a belle lurette que je ne rentre plus dans cette robe et puis elle est bien démodée. Et celle-là ? J’ai dû la porter pour la dernière fois au baptême de Maxime qui va quand même sur ses 15 ans alors ouste, je ne veux plus la voir ! Et ces vêtements de ski ? On n’a jamais été très neige dans la famille, autant vous dire qu’on ne les a pas rentabilisés ! Voilà qui va aller alimenter le contenu de la benne à vêtements. Ouf, je crois bien que j’ai fini, ça suffira pour aujourd’hui ! Car après tout c’est le weekend. Je les ai bien gagnés mon polar et mon petit thé au coin du feu de bois. »
Nous remercions les auteurs et rappelons que les textes leur appartiennent. Toute reproduction est interdite.