la boîte à mots, le jeu : juillet 2017

août 2017 -
Si les mots avaient des ailes
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Les mots proposés pour notre jeu de juillet 2017:  « LAC TURQUOISE » – GARÇON – DENTELLE     (PIROUETTE – MONTAGE)

voir les règles du jeu ici
Voici les textes que nous avons reçus



 

Désespoir  (Caroline)

Pauvre garçon tu pleures
Et tu te souviens d’elle,
Du temps passé… des heures…
Du vol des hirondelles.

Tu voyais l’avenir ouvert en arc en ciel ,
L’aura de son sourire, ça te donnait des ailes !
Ton ciel était si bleu, ta vie si lumineuse…
( au diable les envieux )
elle était radieuse !…

Elle t’a quitté sans peine.
Tu voudrais qu’elle revienne…

Sur le long Lac turquoise, tu vas , mordant ta peine…

Elle est lourde l’ardoise que t’a laissé  La Belle !
Et que te reste t’il ?
Son mouchoir de dentelle…

Pauvre garçon tu pleures…


INSTANT DE SÉRÉNITÉ (Martine)
Ugolin est assis sur le bord du parapet. Il contemple le lac turquoise qui s’étend devant lui. Ah ! S’il pouvait marcher sur l’eau ! Une belle dentelle d’écume blanche ondule sous la caresse du vent estival.
Soudain, un cri aigu l’interpelle. Une mouette rieuse tournoie au-dessus de lui. D’une pirouette, elle vient malicieusement se poser près de lui. Ravit, l’enfant lui sourit. La mouette le fixe de ses grands yeux ronds puis émet un « kreu » sonore avant de s’envoler vers un massif de plantain.
–    Attends-moi ! crie Ugolin.
Il se lève promptement pour rejoindre sa nouvelle amie mais celle-ci s’enfuit déjà en tenant dans son bec quelques brindilles. Courant à sa poursuite, Ugolin la voit se poser délicatement sur la plus haute branche d’un arbre. Consciencieusement, elle construit son nid en assemblant les brindilles les unes après les autres.
Une fois son montage  terminé, elle repart aussitôt vers le plantain afin de poursuivre son labeur. Captivé par le manège du volatile c’est à peine si Ugolin entend la voix familière derrière lui qui l’interpelle :
–    Ugolin, il est l’heure de rentrer.
–    J’arrive Maman.
Le petit garçon jette un dernier regard vers les rochers. Disparue la mouette ! La besogneuse s’est déjà envolée pour consolider son nid afin d’accueillir sa nichée…


Titicaca (Gg)

Juillet se terminait dans une grande débauche d’orages abyssaux, loin, très loin au-dessous du Titicaca.
Le Démon est d’attaque murmura Juan en mâchant sa feuille de coca, laquelle éclaboussait de vermeil son unique canine, en vigie sur une mâchoire clairsemée.
De fait, sans discontinuer, venait crever à la surface du lac, des bulles énormes, parfois chargées de scories mais toujours accompagnées de puissants remugles aux couleurs bariolés.
Les pets du Démon soupira Juan avec un rien de sourire en coin, en se mettant à l’abri derrière un poteau télégraphique.
C’était sa stratégie à Juan de la Vega. Progresser de poteau en poteau jusqu’à atteindre, enfin le dernier, planté sur le monticule où avait lieu le montage de la scène de théâtre. De là, par temps calme, il prenait souvent plaisir à poser sa chique, pour admirer, souffle coupé, le lac turquoise en contrebas. Ce qui était loin d’être le cas présent.
Quand le Démon se calme, la beauté s’étale, avait-il coutume de répéter à son aide Pedro, le garçon des Garcia, lequel, muet de naissance, répondait habituellement par une pirouette.
Mais pour l’instant le Démon ne se calmait pas. Bien au contraire. Des bulles soufrées, irisées de jaune, de bleu, de vert… s’entrechoquaient en ricanant dans un ciel réprobateur.
Accroché à son poteau, Juan désespérait d’atteindre le dernier, le trente-troisième, celui qui, au-dessus de la scène, devait supporter le projecteur principal, quand, tout-à-coup un grand silence se fit et une voix céleste s’éleva:
Retourne dans les entrailles de la terre, Démon des enfers. Je t’enjoins la prochaine fois de faire un peu plus dans la dentelle.
Juan se prosterna dix-sept fois jusqu’à ce que la voix reprenne:
Bon, bon ça va Juan. Tu ferais mieux de te faire poser une prothèse en l’arrimant sur ton chicot.

Moralité: Pour bien fixer une prothèse, découvrez le Titicaca


Partie de pêche (Colette)

Lorsque j’étais enfant, je passais mes vacances chez mes grands-parents et j’accompagnais souvent papy  à la pêche. Il était toujours de bonne humeur, prenait la vie du bon côté et même parfois insouciant, ce qui lui valait quelques  reproches et  remontrances de mamy. Elle, c’était une charmante vieille dame toujours coiffée d’un bonnet de dentelle et qui faisait les meilleurs gâteaux du monde.
Pour aller à la pêche, nous partions de très bonne heure le matin en emportant le panier pique-nique que mamy avait préparé, sans oublier le digestif, pour papy, dans une petite fiole, car il prétendait que c’était bon pour la santé.
Arrivés au bord du lac turquoise nous prenions place dans la bateau et « vogue la galère ». Tout l’attirail de pêche était déjà prêt. Papy avait procédé au montage de toutes sortes de lignes pour attraper goujons, truites et même plus gros.
Alors ! Garçon ! Aujourd’hui nous allons faire la plus grosse prise du siècle ! Surtout n’oublie pas ton gilet au cas où ?
En attendant que ça morde, il me racontait des histoires, des légendes où dragons et fantômes avaient leurs places. Parfois il restait silencieux, plongé dans je ne sais quelle pensée. Il scrutait intensément la surface de l’eau. Suivait-il les évolutions d’un poisson faisant des pirouettes autour de l’appât ?  Je n’osais pas poser de question, son attitude était trop mystérieuse.
Les vacances terminées, je rentrais en France. Mais j’ai oublié de vous préciser que j’allais en Écosse au bord du Loch Ness.


Les Trente Glorieuses (Susan)
Je viens de retrouver la photo de mariage de mes grands-parents.  Elle date de 1937. J’aime beaucoup ce cliché  sépia.  Sa couleur brunâtre lui confère une austérité sombre et trouble qui traduit bien l’ambiance de cette époque d’avant guerre.  Les deux époux sont debout et ne sourient pas. Au contraire, on voit bien que ce moment est on ne peut plus solennel. La femme est blonde et élancée. On la devine jolie sans pouvoir distinguer clairement ses traits. Elle se tient très droite, son bras posé pudiquement sur celui de son mari. Lui est très brun, assez corpulent, plutôt beau garçon. Ses cheveux sont aussi brillants que ses chaussures. Il porte un costume noir et une chemise blanche au faux col bien empesé agrémenté d’un nœud papillon dont on sent qu’il n’a pas l’habitude. Sa moustache tombante renforce son allure sévère, presque militaire. Il  semble être un homme dur, raide, pas commode… portrait fidèle d’un futur paterfamilias exemplaire.  Ma grand-mère porte une robe  blanche toute en dentelle avec une immense traîne tombant le long de sa jambe gauche et terminant délicatement  tel  un nuage autour  de ses pieds. Sur la tête elle porte un voile en fine mousseline tenu par une couronne de fleurs. Elle semble hautaine, froide et distante, à moins que son air pincé ne traduise simplement son intimidation ou l’appréhension devant l’inconnu qui l’attend.
Les deux protagonistes de cette mise en scène, qui entrent ainsi dans la postérité,  sont aux antipodes  de mes grands-parents tels que je les ai connus bien plus tard. Que de bons souvenirs avec ces personnes joyeusement complices et décontractées qui se baignaient avec moi dans le lac turquoise près de  leur chalet à la montagne, en applaudissant mes pirouettes dans l’eau comme si j’étais une star de la natation. Pour mon plus grand bonheur, le monde sépia des années trente s’était transformé en monde technicolor  des « Trente Glorieuses ».



Nous remercions les auteurs et rappelons que les textes leur appartiennent. Toute reproduction est interdite.