Tout à fait par hasard, derrière le kiosque à musique, je l’ai repérée mais elle s’est éloignée en traversant la pelouse qui mène au grand canal.
J’ai passé une nuit épouvantable à me reprocher de n’avoir pas été plus vif. J’aurais tout de suite dû me manifester pour qu’elle me voie. Me faire admirer, c’est quelque chose que, normalement, je sais faire.
Le parc est immense. Le lendemain, j’ai pris mon courage à deux mains et me suis dirigé vers des endroits que je n’avais encore jamais explorés. J’ai ainsi découvert le Trianon et le hameau de la Reine.
Je marchais, indifférent à celles qui, hier encore, attiraient mon regard et suscitaient mon intérêt de jeune séducteur.
Après plusieurs jours de recherches, elle m’est enfin apparue au pied d’une statue de Cupidon. J’eus le souffle coupé, un prétendant était à ses côtés.
Je suis resté impassible, cherchant le moyen d’écarter l’intrus. Je devais vaincre sans combattre et séduire sans choquer.
Je me suis avancé à grands pas afin qu’elle me remarque. Nos regards se sont croisés, aucun n’a baissé les paupières. Plus rien n’avait d’importance, sauf la conquérir aux dépens de ce jeune trouble-fête.
J’ai levé mon cou bleu et lui ai fait face ostensiblement en déployant mes ailes. J’ai répété ma parade et elle s’est approchée de moi, écartant mon rival.
J’ai agité mes plumes pour qu’elle ne me quitte plus des yeux.
Elle m’a élu.
Croyez-moi ! La vie de paon n’est pas facile au château quand il faut charmer celle dont on est amoureux.
François
Février 2022 ( texte paru dans le journal de VA)